Basile Sasa Maneka, un artiste à l’ombre des grands

Basile Sasa Maneka, un artiste à l’ombre des grands

L’histoire de Basile Sasa Maneka ressemble à ces contes de fée qui laissent les gens incrédules. Ce garcon prédisposé à la chanson passe inaperçu dans les annales de la musique congolaise moderne. Et pourtant, il a participé avec l’apport de son instrument de prédilection à son évolution. Étant trop sélectif, l’art d’orphée dans notre pays a oublié plusieurs artistes qui ont fièrement contribué à l’écriture de sa belle histoire, à la compréhension de sa lecture et à la perfection de son expression auditive.

Aujourd’hui, beaucoup ne se souviennent plus de cet artiste de l’ombre qui a pourtant joué dans les grandes formations kinoises. Il a peut été trahi par son âge car c’est très jeune que le virus de la musique a raison de lui. Mais il semble également que sa vie est faite de voyages incessants, d’inombrables déplacements, d’apprentissage aussi. Car dans son errance permanente, il a appris à manier plusieurs intruments. Sasa semble être un éternel nomade dans sa vie d’artiste comme dans son existence de tous les jours. Il ne se sédentarise que sur le tard.

S’il est né à Kimuisi dans le Kongo Central un certain 19 septembre 1955, c’est à Kinshasa où il arrive à l’âge de trois ans qu’il passe quasiment toute sa jeunesse. Comme bien des gamins, les études ne l’intéressent vraiment pas. Il n’y fera pas long feu. Vivant non loin de la paroisse Sainte Thérèse à Ndjili, il apprend la trompette dans la fanfare Djiba Nkoy.

Très vite, l’instrument qu’il a appris lui ouvre les portes de la musique proprement dite. Dès 1971, il intègre Bella Soum dont le siège se trouve à Ndjili au quartier 4. Dans ce groupe, il a pour compagnons deux futurs grands guitaristes congolais : le célèbre soliste Huit Kilos et le bassiste Nguma Lokito (Anti Choc).  Sa vie dans ce groupe n’est que feu de paille. Il quitte cet ensemble pour Empire Makinu à Ndjili quartier 2. Selon l’intéressé, Pépé Kallé y était membre mais l’Éléphant de la chanson congolaise ne l’a jamais révélé.

En 1972, Sasa qui a 17 ans fait le grand bon de sa vie d’artiste. Le trompettiste commence sa carrière professionnelle dans Bamboula de Papa Noël. Il quitte quelques mois plus tard cette formation pour l’African Fiesta Sukisa de Docteur Nico. Là aussi son passage est éphémère. Le jeune homme est dans Bella-Bella en 1973. Pendant les trois années qu’il y passe, Basile participe à l’enregistrement  des chansons comme ″Bienvenu Doudou″, ″Houleux-houleux″, ″Suaze″, ″Made″ et tant d’autres.

Lorsqu’en 1976 le patron Miezi fonde Kossa-Kossa, Sasa quitte Soki Vangu pour le nouvel orchestre. Il fait alors partie des tout premiers artistes-musiciens qui composent ce groupe à sa création.  A la Suzanelle Maison Blanche où l’ensemble se produit régulièrement, le trompettiste cottoie Popolipo, Mbole Tambwe, Lokombe et Aimé Kiwakana qui cumule le métier d’enseignant avec la musique.

Au cours de la même année, Basile obtient une offre alléchante. Mario Matadidi et Diana Spray qui partent pour l’Angola recrutent des musiciens pour l’orchestre qu’ils projettent de monter à Luanda. Sasa répond à l’appel des deux chanteurs et embarque pour la capitale angolaise avec le trompettiste Domin Domingo (ancien de Lipua Lipua) et un certain Elvis pour jouer dans Inter Palanca. Mais deux ans plus tard, avec le bassiste Mosekiwa Mose, ils quittent ce groupe pour former l’orchestre Los Malucos. Mais en bon pigeon voyageur, Sasa se retrouve en 1980 dans Primeiro de Maio, l’orchestre national d’Angola.

Pendant son séjour à Luanda, simultanément à la musique, Sasa Maneka entraîne aussi les éléments de la garde présidentielle dde José Edouardo dos Santos. Car lorsqu’il était encore à Kinshasa, il a pratiqué les arts matiaux (taekwondo et karaté). Il  était ceinture noire 2e dan.

Quand l’année 1982 arrive, les perspectives d’avenir changent. Sasa quitte l’Angola pour la capitale française. Dans la ville-lumière, il crée l’orchestre Okinawa de Paris avec ses amis Spraya Dora (ancien chanteur de Viva la Musica) et Chandilé (petit-frère de Zembla, l’ancien bassiste de Co-Bantou puis de Kin-Bantou). Le groupe accompagne aussi les vedettes de la chanson congolaise de passage en France dont Papa Wemba. Notons qu’Okinawa est le nom yanké du quartier 5 à Ndjili, commune où Sasa a grandi.

En 1993, après un bref passage en Allemagne, il se retrouve en Hollande. Il monte le  groupe Afro Frisone puis lorsque celui-ci se disloque il crée Baoma.  Il dirige à partir de 2012 un groupe multiculturel de gospel qui s’appelle All for One. Il y est guitariste et chanteur lead. Cet ensemble religieux donne des concerts dans plusieurs villes des Pays-Bas. Compte tenu de ses connaissances musicales, Sasa dispense aussi des cours de musique dans certaines écoles néerlandaises (solfège, guitare, tam-tam). De son village de Kimuisi à Kinshasa, séjournant ensuite en Angola, en France puis en Allemagne, Sasa a définitivement posé ses valises aux Pays-Bas où il se livre à une intense activité culturelle dans le groupe religieux dont il est responsable. Artiste polyvalent, il chante et joue la guitare, la batterie, la percussion mais presque plus de la trompette.

Il y a lieu de signaler aussi que son frère cadet Gizzy Manora lui emboîte les pas. Ce chanteur-guitariste est parmi les artistes-musiciens congolais les plus en vue à Londres. Il a même accompagné Ancy Kiamuangana dans son interpretation de la chanson « Cavalier solitaire″ de JB Mpiana.

Samuel Malonga/mbokamosika.com

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