Dans un entretien sans détour accordé à France 24 ce mercredi, le Dr Denis Mukwege, prix Nobel de la paix et figure de la société civile congolaise, a violemment critiqué l’ancien président Joseph Kabila pour son mutisme sur l’agression rwandaise dans l’est de la RDC.
À peine revenu sur la scène publique après des années de retrait, Joseph Kabila voit son retour entaché de soupçons. Pour Denis Mukwege, le silence de l’ancien chef de l’État face aux crimes du M23 et à l’implication présumée du Rwanda en dit long. « Il y a des signes qui ne trompent pas », martèle le gynécologue mondialement reconnu pour son combat contre les violences sexuelles.
Un retour… par la petite porte de Goma ?
Mukwege ne mâche pas ses mots. Il accuse Kabila non seulement de ne pas nommer clairement le Rwanda comme agresseur, mais aussi de manifester une ambiguïté troublante à travers ses choix récents : « Il est entré par le Rwanda », souligne Mukwege, en référence à l’arrivée de Kabila par la ville de Goma, frontalière avec le pays de Paul Kagame.
Une entrée en RDC que le Prix Nobel considère comme symbolique voire complice au moment où les exactions des rebelles du M23, soutenus par Kigali selon plusieurs rapports de l’ONU, continuent de ravager l’Est congolais.
Corruption, désillusion et démocratie malade
Denis Mukwege, qui s’était présenté à la présidentielle de 2023 avant d’être largement distancé, ne cache pas sa “grande déception” face à la vie politique congolaise. Il dénonce une démocratie gangrenée par la corruption et l’achat des consciences : « Très, très peu de gens peuvent dire ‘non merci’ devant un billet », regrette-t-il, dans une allusion cinglante aux pratiques électorales.
Une parole qui dérange
Connue pour sa rectitude morale, la voix de Mukwege porte à l’international. Son attaque contre Kabila, toujours influent en coulisses, résonne comme une alerte face à l’impunité et au manque de clarté de la classe politique congolaise, alors que le pays affronte une agression armée majeure et une crise humanitaire sans précédent dans sa partie orientale.
En toile de fond : la guerre oubliée de l’Est
Alors que les combats font rage dans le Nord-Kivu et que des milliers de civils sont déplacés, le silence des anciens dirigeants est perçu comme une trahison nationale par plusieurs acteurs de la société civile. Pour Mukwege, l’heure est venue de choisir clairement son camp : avec la RDC ou avec ceux qui la déstabilisent.
Un message direct, un ton grave. Le Dr Mukwege rappelle que dans les moments sombres, l’ambiguïté devient complicité.
Glad NGANGA